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Urbanisme commercial : Analyse.

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Source http://urbanismestrategique.expertpublic.fr par Jean François RUAULT

Le moins que l’on puisse dire depuis maintenant une quarantaine d’années de réformes législatives, c’est que l’administration du commerce est une tâche bien délicate. Avec la loi LME, adoptée le 04 août 2008, ce qui était présentée comme la REFORME ne s’est révélée finalement n’être qu’une énième “pirouette législative”. La poudre ayant pris l’eau dès son adoption, le gouvernement c’était alors engagé à discuter d’un texte plus riche dans les six mois. Peu pressé d’y revenir, c’est sur une initiative parlementaire que la discussion a reprise au printemps dernier (~ 18 mois après la LME). J’ai

 déjà évoqué les carences du texte adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale, il me faut maintenant revenir dessus après soumission de celui-ci au Sénat.

Avant de mettre en lumière les dernières évolutions, il faut souligner que les rapporteurs du texte, à l’Assemblée Nationale comme au Sénat, se sont particulièrement investis à la tâche et qu’ils ont produit, dans les fenêtres parlementaires qui leur étaient données, un travail remarquable. Il faut craindre malheureusement que notre administration compresse à l’excès le temps accordé au travail législatif…

A l’examen du texte enregistré le 15 décembre dernier au Sénat, on ne peut constater que le travail de “co-production législative” annoncé par le président de l’Assemblée Nationale s’est quelques peu grippé. Ce qui était présentée comme une proposition de loi inachevée et partielle l’est restée. Des modifications sensibles mais non substantielles lui ont été apportées. Nous avons dorénavant :

1. des éléments de définition de la notion de “centralités urbaines”, basés sur la densité et  la polyfonctionnalité,  ont été posés ;

Ils sont bienvenus pour rendre cette notion opérationnelle et dissiper l’indécision de certains. En soi, cela n’impacte pas fortement le texte.

2. une capacité à conditionner les implantations commerciales qui s’est muée en capacité à planifier (interdire et subordonner) les commerces de plus de 1 000 mètres carrés en dehors des centralités urbaines ;

L’article 1er laisse entendre qu’en dehors des centralités urbaines, le document d’aménagement commercial délimite des zones au sein desquelles sont conditionnées les implantations commerciales supérieures à 1 000 mètres carrés et en dehors desquelles elles sont tout simplement interdites. Grosso modo, l’autorité compétente peut dire exactement où elle souhaite que s’implante tel ou tel type de commerce de détail, et à quelles conditions elle le souhaite. Ce nouveau régime de planification est “dirigiste”, bien plus que celui contesté par la Commission Européenne avec la LME. Pour autant, cela ne signifie pas d’emblée qu’il n’est pas souhaitable mais en revanche il expose à des excès. Avec un tel dispositif, il devient plus que jamais nécessaire de favoriser les mécanismes de concertation/négociation et d’assurer une totale transparence des choix opérés…

3. la nature des conditions à respecter pour les commerces de plus de 1 000 mètres carrés qui a été étendue à la diversité des fonctions urbaines et à la densité du bâti ;

La question de la densité du bâti s’impose de manière évidente compte tenu de la rareté du foncier mais cette disposition interroge davantage quant à la question des fonctions urbaines. En effet, il faut faire attention à ne pas valoriser à outrance la diversité des fonctions urbaines. Des études montrent par exemple qu’une trop grande pénétration des espaces commerciaux dans les quartiers résidentiels génère plus d’inconvénients que d’avantages. La question doit se poser en termes d’accessibilité aux fonctions urbaines…

4. la typologie qui s’est étendue en une subdivision du commerce de détail : alimentaire, équipement de la personne, équipement de la maison, loisirs et culture ;

Cette nouvelle typologie laisse perplexe. S’il s’agit d’essayer d’appréhender les besoins des habitants/consommateurs, elle est trop réductrice (l’alimentaire des classes supérieures est-il le même que celui des classes les plus modestes ?); s’il s’agit d’apprécier les impacts territoriaux, elle est inadaptée (poids de la diversité de l’offre commerciale ?). Bien entendu, elle facilite une dissociation entre le commerce banal (de fréquence courante) et le commerce anomal (de fréquence occasionnelle ou exceptionnelle) mais tout cela d’une manière “indirecte”. Encore une fois, là où des études empiriques seraient nécessaires, ce sont les conventions transposables qui sont privilégiées. N’aurait-il pas mieux valu s’entendre sur une démarche méthodologique nationale afin de mesurer localement les impacts ?

5. une procédure de modification simplifiée qui y a été incorporée ;

De bonne augure afin de s’ajuster aux évolutions rapides du commerce, mais aussi afin de pallier à des manquements non visibles en première instance.

6. sous peine de caducité, une évaluation du document d’aménagement commercial prévue tous les trois ans ;

Excellente mesure qui permet d’interroger continuellement la stratégie politique.

7. un président de l’EPCI compétente tenu de recueillir l’avis de tout organisme compétent en matière de commerce qui en ferait la demande ;

Mesure bienvenue car obligeant le président de l’EPCI compétente à tenir compte des intérêts de chacun. Pour transformer l’essai, il aurait été judicieux de rendre public l’avis soumis à l’EPCI et la réponse de l’EPCI à cet avis. Par ailleurs, on est en droit de s’interroger sur ce que recouvre un “organisme compétent en matière de commerce” ?

8. une composition de la CRAC, en cas de saisine facultative, qui a été remaniée en faveur d’une meilleure représentation des EPCI ;

Pertinent dans la continuité des réformes engagées valorisant l’intercommunalité.

9. un chapitre  consacré à l’autorisation d’implantation commerciale ;

Un bien pour un mal. Le chapitre est bienvenue mais reste trop discret sur les rapports de compatibilité/conformité permettant de rendre opérationnel le document d’aménagement commercial. Ajoutons que faire allusion à “une autorisation d’implantation commerciale” est particulièrement aventureux dans un contexte politique où la Commission Européenne reste sur la mise en demeure du régime d’autorisation préalable. Il serait de bon ton de mettre définitivement fin à cette ambiguïté : ll n’y a qu’une autorisation, c’est le permis de construire, bien que celui-ci puisse être agrémenté de spécificités pour les immeubles commerciaux.

10. en cas d’avis sur la délivrance d’un permis de construire, la CRAC s’est diversifiée dans sa composition ;

La volonté de diversifier les représentants est une bonne chose mais cela pose problème lorsque ces représentants, ou leur mandataire, sont hors de portée d’une sanction électorale.

Ces modifications maintenant commentées, on notera que nombre d’écueils identifiés ne sont pas traités. Certes les critères économiques ne semblent plus tabous mais tout le reste est demeuré figé. La localisation préférentielle est toujours aussi inconsistante, la typologie s’enferme dans des conventions économiques figées, la relation du DAC à l’autorisation d’urbanisme reste sous le signe de la compatibilité, le recours à un seuil est préservé, la question des friches commerciales est ignorée, l’ingénierie locale reste toujours aussi vulnérable et les grands espaces de négociation ne font plus partie du paysage

Ainsi, la loi reste bancale et s’éloigne une nouvelle fois de son objet. Est-ce un nouveau pétard mouillé du système législatif ? On est en droit de se le demander. D’une part, il semblerait que des tensions aient pris place entre les parlementaires et le gouvernement, de telle sorte que l’on demeure dans l’expectatif quant au devenir de ce texte… D’autre part, compte tenu de l’expérience législatif en la matière, les carences pourraient se révélées fatales dans la mise en application de la loi. D’autant plus que certains spécialistes, au Crédoc notamment, parlent déjà d’une nouvelle révolution commerciale. Muette sur l’e-commerce, les drives et autres systèmes de distribution innovants, la proposition de loi pourrait être obsolète de manière précoce. Il est peut-être déjà temps de programmer une nouvelle fenêtre parlementaire pour une future réforme…


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